Avec des amis on peut avoir des divergences, on peut avoir des désaccords, on peut même avoir des disputes mais dans la difficulté, dans l’épreuve, on est avec ses amis. (…) Les Etats-Unis et la France sont deux nations fidèles à un même idéal, et qui croient dans les mêmes valeurs.
Nicolas Sarkozy
Président de la République française

Les Etats-Unis sont des amis incontournables de la France et vice-versa.
Barack Obama
Président des Etats-Unis d’Amérique

Le bonheur de l’Amérique est intimement lié au bonheur de toute l’humanité; elle va devenir le respectable et sûr asile de la vertu, de l’honnêteté, de la tolérance, de l’égalité et d’une tranquille liberté.
La Fayette
Général français

Chaque homme a deux pays, le sien et la France.
Benjamin Franklin
Père fondateur des Etats-Unis d’Amérique

 

La France est la plus vieille alliée des Etats-Unis et les deux pays n’ont jamais été en guerre l’un contre l’autre.

Ces deux réalités fondent cette amitié franco-américaine qui a été scellée lors de la guerre d’indépendance américaine avec un traité signé en 1778 – qui parle en même temps de la volonté de développer le commerce entre les deux nations mais aussi l’amitié – et qui n’a jamais cessé malgré les soubresauts de l’histoire et les inévitables différends qui peuvent naître entre des peuples qui ont bâti deux des plus grandes puissances mondiales à travers les siècles.

L’histoire de cette amitié débute évidemment avec le marquis de La Fayette, cet «héros des deux mondes» qui s’engage, à dix-neuf ans, dans le combat pour l’indépendance des Etats-Unis et qui, avec d’autres Français comme Rochambeau ou De Grasse, vont permettre à la nouvelle république de se créer.

Voici quelques heures parmi les plus belles de cette amitié


1777: La Fayette débarque à Georgetown

La cour de Versailles avait suivi avec intérêt les signes annonciateurs de la révolte américaine. Quand, en 1776, les treize colonies proclamèrent leur indépendance, Vergennes, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, y vit l’occasion rêvée de prendre une revanche sur l’Angleterre et conseilla au roi d’aider les rebelles. Louis XVI, lui-même souverain absolu, n’était guère porté à soutenir une rébellion contre la monarchie. Malgré une opinion plutôt favorable aux fameux «Insurgents», le soutien de la France était donc loin d’être acquis lorsque Benjamin Franklin arriva à Paris, le 27 décembre 1776, pour prêter main-forte à son compatriote Silas Deane, un riche commerçant du Connecticut, qui, dépêché comme ambassadeur, n’avait, jusque-là, guère obtenu de résultats. La réputation de l’illustre savant, sa simplicité, son esprit eurent raison des réserves de la Cour.

Bientôt, l’aide aux rebelles s’organisa. D’abord discrète, puis ouverte, tandis que les volontaires affluaient pour mettre leur épée au service de la révolution américaine. Tout, en effet, attirait la jeunesse française vers l’Amérique : l’attrait des idées nouvelles, la soif d’en découdre avec l’ennemi héréditaire anglais, le besoin d’aventures et le dépaysement du Nouveau Monde.

Quelques mois plus tard, Silas Deane put écrire : «La rage de s’engager au service de l’Amérique va croissant et la conséquence est que je suis inondé d’offres, dont beaucoup viennent de personnes de haut rang…» Le roi lui-même dut intervenir lorsque le comte de Noailles et le comte de Ségur, deux des plus grands noms du royaume, voulurent partir aux côtés du jeune marquis de La Fayette, au risque de compromettre prématurément la France. Noailles et Ségur s’inclinèrent, mais La Fayette acheta secrètement un bateau, la Victoire, et s’enfuit à Bordeaux puis en Espagne d’où il fit voile vers Georgetown pour y débarquer en juin 1777. Beaucoup de volontaires furent pourtant déçus en arrivant à destination : ne parlant pas anglais, pour la plupart, ils ne pouvaient s’imposer à des troupes qui ne ressemblaient en rien aux armées régulières d’Europe. Et les préjugés de leur classe les empêchèrent souvent de s’adapter à la sensibilité démocratique des citoyens-soldats de George Washington. Accueilli sans grand enthousiasme à Philadelphie, La Fayette s’obstina, allant jusqu’à proposer de servir à ses frais, et comme simple soldat. Mais Franklin avait, entre-temps, expliqué au Congrès qu’il convenait de s’attacher les jeunes étrangers venus en Amérique, dans la mesure où [’influence de leur famille pouvait se révéler décisive à Versailles. La Fayette finit donc par obtenir un brevet de major général… Rejoignant le front au moment où le général anglais Howe marchait sur Philadelphie, il fut blessé à Brandywine, avant de suivre Washington à Valley Forge, où le commandant des «Insurgents» avait installé son quartier général. L’hiver de 1777-1778 fut très difficile pour les Américains : mal nourris, mal vêtus, mal armés, ils ne devaient plus qu’à l’énergie indomptable de leur chef d’être encore debout, et une attaque anglaise, à ce moment, aurait sans doute changé le cours de l’Histoire.

A Paris, Franklin se dépensait donc sans compter pour transformer l’attitude bienveillante de la France en alliance officielle. Mais Vergennes, prudent et surveillé de près par l’ambassadeur de Sa Gracieuse Majesté, Lord Stormont, voulait être sûr du soutien espagnol avant de franchir ce pas décisif. Annoncée en novembre 1777, la capitulation de l’anglais Burgoyne à Saratoga fit définitivement percher la balance en faveur de la révolution. Et dès le 17 décembre, Vergennes, soucieux de devancer une éventuelle paix de compromis anglo-américaine, informa Franklin que Louis XVI avait décidé de reconnaître l’indépendance des Etats-Unis et de signer avec eux un traité de commerce et d’amitié. Ce sera chose faite le 6 février 1778.

La situation des Américains était alors si critique que les Français auraient pu abuser de la situation. Ils n’en firent rien, comme l’explique Vergennes lui-même, dans une missive datée du 17 mars 1778 à son ambassadeur à Londres : «Nous n’avons voulu nous procurer aucun avantage de commerce que d’autres nations pourraient jalouser et que les Américains pourraient se reprocher, par la suite des temps, de nous avoir accordé.» Une semaine plus tard, le ministre précisait : «Les députés autorisés des Etats-Unis étaient disposés à nous accorder les privilèges exclusifs que nous aurions exigés. Nous ne l’ignorions pas, mais le Roi a voulu faire un ouvrage solide qui passât à la postérité et qui donnât à ses conventions avec ces Etats toute la solidité et la durée dont les transactions humaines sont susceptibles.» Ce qui vaudra à la France ce compliment de Benjamin Franklin, grand connaisseur de la nature humaine : «La vérité est que cette nation aime la gloire, particulièrement celle de protéger les opprimés.» Sur le théâtre des opérations, les Britanniques commençaient à comprendre que le temps jouait contre eux. Après avoir pris Philadelphie, ils s’y étaient installés sans tenter de porter le coup de grâce à l’ennemi. C’est donc avec la ferme intention d’en finir une fois pour toutes en profitant des divisions du camp adverse -notamment de la rivalité entre Washington et Gates, le vainqueur de Saratoga – que le général Clinton prit la succession du général Howe, démissionnaire. Craignant un blocus français du Delaware et une attaque des milices américaines sur la ville, il fit mouvement vers New York.

Washington se lança à sa poursuite et l’attaqua à Monmouth – une audacieuse manœuvre qui aurait pu lui apporter une victoire décisive, si Charles Lee, commandant de [’avant-garde, désobéissant à ses ordres formels, n’avait inexplicablement reculé alors qu’il avait l’avantage. Traduit en cour martiale, Lee, que certains accusaient même de trahison, fut révoqué, mais le mal était fait et Washington, contraint de renoncer à l’offensive, dut prendre ses quartiers à New Brunswick tandis que Clinton se cantonnait à New York.

Arrivée à pied d’œuvre en juillet 1778, la flotte française de l’amiral d’Estaing avait entamé une manœuvre combinée avec le général américain Sullivan pour prendre Newport. Mais cette première coopération d’envergure entre les nouveaux alliés avait échoué à cause d’une tempête, et d’Estaing reprit le large pour hiverner aux Antilles. Ce demi-échec risquait fort de refroidir les ardeurs de Paris au moment même où le besoin de renforts se faisait le plus sentir… A la fin de 1778, La Fayette obtint donc du Congrès un congé pour se rendre à Versailles. II y fut bien reçu et sut convaincre Maurepas et Vergennes de jeter tout le poids de la France dans la bataille. Parmi les plans qui avaient été préparés figurait un débarquement outre-Manche et une flotte avait été concentrée dans ce dessein au Havre et à Saint-Malo. Projet mort-né, mais qui rendait envisageable l’envoi d’un corps expéditionnaire dans le Nouveau Monde comme le demandait La Fayette.

Mais s’il était techniquement possible de convoyer des milliers de soldats vers l’Amérique, les réserves politiques demeuraient fortes : on s’inquiétait des dissensions des «Insurgents» et l’on craignait que l’Espagne de Charles III, pourtant alliée de la France contre la Grande-Bretagne, ne vole d’un mauvais œil une victoire trop nette de forces révolutionnaires aux portes de son vaste empire colonial. On décida cependant d’envoyer plus de 5.000 hommes, choisis parmi les meilleurs, au général Washington. La Fayette étant encore trop jeune pour en prendre la tête, on le dépêcha outre-Atlantique pour annoncer l’arrivée prochaine de ces troupes, dont on confia le commandement au comte de Rochambeau.

Parti de Brest, le convoi parvint le 11 juillet 1780 en vue de Newport (Rhode Island). Parmi les officiers qui débarquèrent figuraient quelques-uns des plus grands noms de France : Montmorency, Custine, Chartres, Noailles, Lauzun… Mais l’espoir que l’arrivée des Français avait fait renaître dans le cœur des Américains fut de courte durée : l’arrivée peu après, à Newport, d’une importante flotte britannique, commandée par les amiraux Arbuthnot et Rodney, vint ruiner les plans d’une attaque rapide contre New York, et la rencontre de Hartford, organisée par La Fayette entre Rochambeau et Washington, ne put déboucher que sur une nouvelle demande de renforts : seul l’envoi par la France d’une force navale capable de faire échec aux Anglais pouvait désormais débloquer la situation. Pour couronner le tout, quand Washington revint à son quartier général de West Point, ce fut pour y apprendre la trahison de Benedict Arnold, l’un des plus brillants chefs militaires des insurgés, qui venait de passer à l’ennemi. Devenu le conseiller du général Clinton, Arnold le pressait d’agir vite pour tirer avantage de la faiblesse ennemie. Victimes du blocus, les soldats américains n’étaient en effet, ni payés, ni nourris, ni vêtus et Rochambeau s’inquiétait légitimement des capacités de « ces gens à bout de ressources ». Une fois de plus, Louis XVI et Vergennes répondirent aux attentes de leurs alliés et, le 16 mai 1781, malgré l’état déplorable des finances publiques, un vaisseau français, la Concorde, apportait six millions de livres à Washington. Celui-ci voulait en profiter pour attaquer immédiatement New York. Rochambeau était plutôt d’avis de porter le fer au sud, où le général anglais Cornwallis ne parvenait pas à remporter une victoire décisive sur l’Américain Greene, qui, menant d’habiles actions de guérilla, l’entraînait toujours plus loin de ses bases. Ignorant ces hésitations, Clinton ordonna à Cornwallis de rallier Yorktown, sur la baie de la Chesapeake, avec ses 7.000 hommes, de tenir cette position en s’appuyant sur la Navy et de lui envoyer des renforts à New York où, pensait-il, se livrerait l’affrontement principal. Yorktown ainsi défendu paraissait nettement moins redoutable que New York, et Washington se laissa d’autant plus facilement convaincre de changer d’objectif que l’amiral de Grasse qui arrivait à la rescousse après ses belles victoires aux Antilles, lui avait fait connaître sa préférence pour la baie de la Chesapeake, plus profonde et propice aux manœuvres que la baie de l’Hudson.

Le 19 août, traversant le New Jersey et franchissant le Delaware, les troupes alliées fonçaient vers la Virginie. Entrés triomphalement dans Philadelphie le 30 août, Washington et Rochambeau arrivèrent peu après devant Yorktown à la tête de plus de 18.000 hommes : 9.000 Américains et 5.000 Français, auxquels se joignirent, quelques jours plus tard, les 3.300 soldats du marquis de Saint-Simon, embarqués à Saint-Domingue par de Grasse.

Retranché dans la ville avec ses 7.000 soldats, Cornwallis était en mauvaise posture. II se crut tiré d’affaire quand, le 5 septembre a l’aube, apparurent à [’entrée de l’estuaire les 22 navires de l’amiral Graves, venus de New York pour le secourir. Mais de Grasse sauva la situation : rester au mouillage, c’était offrir une cible facile à l’adversaire. Il fallait donc appareiller, et vite. Manoeuvrant brillamment, la flotte française parvint à doubler le cap Henry et à se ranger autour du Ville de Paris, le plus grand vaisseau de l’époque. Lorsque le combat s’engagea, au large, les Britanniques avaient laissé passer leur chance. Quand les canons se turent, ils avaient perdu un navire, et cinq autres étaient gravement endommagés. Côté français, aucun bâtiment n’avait été coulé, et deux seulement avaient été touchés. Graves se retira. La victoire française était complète.

Cornwallis, misant tout sur le soutien qui devait lui venir de la mer, avait négligé de renforcer ses positions. Le 28 septembre, les alliés se déployèrent avec leur artillerie – les Français à gauche, puis le premier corps d’armée américain, puis le détachement franco-américain de La Fayette, puis le corps d’armée de Washington et les troupes du général prussien von Steuben, qui combattait aux côtés des «Insurgents» depuis 1777. Le sort de Yorktown était scellé. Le 17 octobre, anniversaire de la capitulation de Burgoyne à Saratoga, la bannière étoilée était hissée sur la ville. La garnison défaite défila entre les vainqueurs – les Français à droite, les Américains à gauche. Et, quand le général anglais représentant Cornwallis, qui se disait malade, voulut rendre son épée, c’est à Rochambeau qu’il la tendit. Celui-ci lui désigna Washington qui, respectueux du vaincu, la refusa.

Nouées dès la capitulation de Cornwallis, les négociations qui suivirent aboutirent, le 3 septembre 1783, au traité de paix de Versailles. Acte de naissance officiel des Etats-Unis, ce traité est aussi le symbole de l’amitié franco-américaine.


1917: Pershing débarque à Boulogne-sur-mer

Elu à la Maison-Blanche le 5 novembre 1912, Thomas Woodrow Wilson souhaite à tous prix éviter que les Etats-Unis ne soient entraînés dans la tourmente qui se lève en Europe. Fils de pasteur, pacifiste convaincu, il a vécu, enfant, les horreurs de la guerre civile, et il craint le retour à la barbarie qu’entraînerait une nouvelle conflagration. De plus, le souci de maintenir [’unité nationale d’un pays dont un habitant sur quatre est né à l’étranger ou de parents venus d’un des deux blocs antagonistes lui dicte la plus grande prudence : comment prendre parti, en effet, quand les sympathies des Américains d’origine allemande du Middle West vont aux Empires centraux, tandis que les protestants anglo-saxons de la côte est sont plutôt favorables à l’Entente, que les Irlandais détestent l’Angleterre et que les Polonais sont hostiles à la Russie ? Dépêchant en Europe son éminence grise, le colonel House, au printemps de 1914, il le charge d’une mission de bons offices entre Paris, Londres et Berlin. Mais l’assassinat de Sarajevo anéantit les efforts du Texan et le conflit tant redouté éclate dans les premiers jours d’août 1914. Fidèle à la politique de « neutralité médiatrice » dont il a défini le principe, Wilson va, pendant près de trois ans multiplier les initiatives diplomatiques pour tenter de créer entre les belligérants

Le torpillage, en mai 1915, malgré de sévères mises en garde des Etats-Unis, du paquebot britannique Lusitania par un U-Boot qui fera plus de 1.000 victimes civiles, parmi lesquelles 128 Américains, fera faire à l’opinion le premier pas vers l’acceptation de la guerre. Mais la publication par les Anglais d’une liste noire des entreprises d’outre-Atlantique accusées de violer le blocus contre l’Allemagne indispose les Américains qui, pour beaucoup d’entre eux, restent encore opposés à toute intervention. Et l’approche des élections de novembre 1916, dont le résultat n’est pas acquis, n’encourage guère le président à forcer le destin.

C’est la décision prise en janvier 1917 par les Allemands, malgré les négociations en cours, de déclencher un blocus de fait de l’Amérique en décrétant la guerre sous-marine à outrance qui fera déborder le vase. Wilson décide la rupture des relations diplomatiques avec Berlin.

Il n’attend plus désormais pour agir que ce qu’il appelle «un acte d’injustice voulu», c’est-à-dire l’attaque d’un navire de commerce américain. L’irréparable sera commis avec le torpillage du Vigilentia et, le 6 avril 1917 à 13 h 18, le Congrès vote la guerre. Cette décision est acquise à une majorité d’autant plus grande que la publication du «télégramme Zimmermann», dans lequel le secrétaire d’Etat allemand aux Affaires étrangères suggère à son ambassadeur au Mexique de préparer avec ce pays une alliance contre les Etats-Unis, à laquelle pourrait ultérieurement se rallier le Japon, a entre-temps soulevé une vive indignation de l’opinion publique américaine.

Si les Etats-Unis ont choisi «la défense du droit plutôt que la paix», ils n’ont pas pour autant les moyens de faire la guerre. Ils ne disposent que d’une armée de métier aux effectifs réduits, dont les seules expériences du combat ont été acquises contre les Indiens, les rebelles philippins, les Espagnols de Cuba ou les hors-la-loi mexicains de Pancho Villa et ils ne semblent guère capables de soutenir un conflit lointain impliquant un engagement massif. Pourtant, l’Amérique va relever le défi. Et faire, en quelques mois, la preuve de sa détermination et de son efficacité. Voté le 18 mai 1917, le Sélective Service Act institue la conscription et permet de porter les effectifs de l’armée de 200.000 hommes en février 1917 à quatre millions de soldats en novembre 1918. Tandis qu’un comité pour l’information publique multiplie conférences et manifestations destinées à convaincre l’opinion du bien-fondé de engagement américain, et que des emprunts de guerre sont lancés avec l’appui de vedettes comme Douglas Fairbanks ou Mary Pickford, le président décrète «la mobilisation de toutes les ressources de la nation». Créé fin 1917, le bureau des industries de guerre saura, sous la direction de Bernard Baruch, prendre les mesures qui s’imposent : répartition des matières premières et des sources d’énergie en fonction des besoins de la guerre, reconversions industrielles, contrôle des chemins de fer et organisation d’un programme d’aide alimentaire à l’Europe, confié à un ancien ingénieur des Mines nomme Herbert Hoover…

Pour les Alliés, I’entrée en guerre américaine arrive au bon moment : la chute du tsarisme et les incertitudes qui pèsent sur l’avenir d’une Russie en proie au désordre et à [’agitation révolutionnaire, le réveil des tensions sociales et la fin de l’Union sacrée, I’échec sanglant de l’offensive Nivelle dans le secteur du Chemin des Dames et les mutineries sur le front ont en effet de quoi inquiéter les plus optimistes. L’annonce de l’intervention américaine vient à point nommé ranimer l’espoir.

Prenant le commandement de l’armée française, saignée à blanc par les excès de la stratégie de l’offensive à tout prix suivie jusque-là, le général Pétain peut ainsi annoncer, au printemps de 1917, qu’il «attend les Américains et les tanks». L’arrivée massive des «Sammies», dont on prévoit qu’ils seront déjà deux millions sur le sol de France à l’été de 1918, va, en effet, faire basculer définitivement le rapport de force en faveur de l’Entente. Décisive sur le terrain, I’aide des Etats-Unis ne l’est pas moins dans le domaine financier. Les Alliés ont, depuis longtemps, épuisé leurs réserves et seuls le Trésor fédéral et les banques américaines sont en mesure de les renflouer. Quand le président Wilson annonce que «I’Amérique entre en guerre avec toutes ses forces», cela signifie aussi que seront mis à la disposition des pays associé les moyens nécessaires à la poursuite de leur effort de guerre soit dix milliards de dollars d’avril 1917 à juin 1920. Sur le plan logistique, la participation décisive de la flotte américaine à la lutte contre les U-Boot et les exploits réalisés par les chantiers navals d’outre-Atlantique vont très vite limiter les effets du blocus.

Cent soixante dix-sept Américains, dont John Pershing, commandant en chef du corps expéditionnaire, et le lieutenant Patton, débarquent à Boulogne-sur-Mer le 13 juin 1917. Ils sont accueillis, à leur descente du bateau, par les représentants des plus hautes autorités militaires alliées et par le colonel Jacques Aldebert de Chambrun, descendant direct de La Fayette, qui, à ce titre, bénéficie de la nationalité américaine. Arrivés le soir même à Paris, ils reçoivent un accueil indescriptible. La population en liesse envahit les rues de la capitale et se presse sur le parcours du cortège qui se dirige vers la place de la Concorde. Il faudra que le général Pershing se montre au balcon de l’hôtel Crillon, sous les acclamations, pour que la foule en délire consente à se disperser.

Après s’être recueilli sur la tombe du marquis de La Fayette, Pershing, excellent militaire mais piètre orateur, charge le capitaine Stanton de dire quelques mots en son nom. Ce sera le célèbre «La Fayette, nous voilà !» qui déchaîne l’enthousiasme de la foule massée aux abords du cimetière de Picpus. Pressé d’« amalgamer » ses troupes aux forces françaises, plus aguerries, le commandement américain rejette fermement cette proposition. Les Britanniques n’auront pas plus de succès. Pershing, en accord avec le président Wilson, est en effet résolu à maintenir l’identité de son armée pour qu’elle puisse, le moment venu et l’expérience acquise, prendre sa part spécifique à l’effort commun.

Pershing dispose de peu de temps pour réaliser la montée en puissance de son corps expéditionnaire. En juin et en juillet, la superbe action de Bois-Belleau volt la 2° division américaine et les régiments de marines venus en renfort des troupes coloniales françaises repousser tous les assauts allemands, et interdire ainsi la progression des Allemands vers Paris. Quand la contre-offensive française du 18 juillet décide du sort de la bataille de Champagne, 85 000 Américains sont engagés au combat, mais ils sont toujours mis à disposition de Foch à titre provisoire et Pershing attend avec impatience l’occasion de s’illustrer sous ses propres couleurs.

 

Ce sera chose faite lors des grandes offensives de septembre 1918. Le 12, à 5 heures du matin et une préparation d’artillerie assurée par 3.000 pièces, sept divisions américaines vont entamer la réduction du saillant de Saint-Mihiel. La victoire est rapidement acquise par les hommes des généraux Dickmann, Ligget et Cameron, appuyés par le 2° corps colonial français. A l’issue du combat, 16.000 Allemands sont prisonniers et quelque 300 canons ont été pris. Foch peut féliciter Pershing. L’offensive suivante, lancée à la fin du mois dans le secteur de l’Argonne sera plus éprouvante. «Sous la pluie glaciale des nuits sombres, écrit Pershing, nos soldats du génie avaient à construire de nouvelles routes à travers des terrains spongieux et retournés par les obus, à réparer les routes endommagées et à jeter des ponts. Nos artilleurs, sans penser au sommeil, s’attelèrent aux roues et amenèrent leurs pièces à force de bras à travers la boue pour appuyer l’infanterie.» Mal ravitaillées, soumises à d’incessants bombardements ennemis, affrontées à des conditions atmosphériques épouvantables et à un terrain difficile, les troupes de Ligget sont clouées sur place, et le désordre menace de s’installer à l’arrière des lignes. Mais les Allemands sont affaiblis, et les 197 divisions dont ils disposent encore sur le papier ne peuvent plus tenir tête aux 220 divisions alliées, dont 42 américaines, qui reçoivent chaque mois 250.000 hommes en renfort, venus s’ajouter aux 2 millions déjà déployés à la fin de l’été de 1918.

Quand l’armistice est signé le 11 novembre 1918 dans la forêt de Compiègne, 50.000 boys auront laissé leur vie sur le sol de France.


1928: Le Nobel de Briand et Kellogg

Dix ans après la fin du premier conflit mondial, dix ans avant le début du second, la France d’Aristide Briand et l’Amérique de Frank Kellogg unissent leurs efforts pour mettre à tout jamais la guerre hors-la-loi. « Plus jamais ça ! » C’est une véritable lune de miel, inimaginable hier encore, que vivent Paris et Berlin en cette année 1927. Comme l’avait souhaité le président Wilson, la Société des Nations s’est vigoureusement attelée à la construction de la paix universelle.

Pourtant, malgré leur accession au rang de grande puissance mondiale, les Etats-Unis sont redevenus isolationnistes et ils ne siègent même pas dans [’institution qu’ils ont inspirée ! En avril, à [’occasion du dixième anniversaire de leur entrée en guerre, Aristide Briand, qui fut plusieurs fois président du Conseil avant d’être, sous les gouvernements de droite comme sous ceux de gauche, abonné au portefeuille des Affaires étrangères, leur adresse un message remarqué, véritable invite au rapprochement. Un rapprochement d’autant plus opportun que les travaux préparatoires à la Conférence du désarmement ne donnent guère de résultats, et que la question du remboursement des dettes de guerre pèse sur les relations franco-américaines. En juin, Briand transmet au secrétaire d’Etat Frank Kellogg, qui l’accepte, une proposition suggérant la conclusion d’une convention de renoncement mutuel à la guerre. Cet accord, purement symbolique bien sûr, s’agissant de deux nations unies depuis toujours par de solides liens d’amitié, doit, à terme, être étendu à l’ensemble de la planète. Signé le 6 février 1928 entre la France et les Etats-Unis, il interdit tout recours à la guerre comme instrument politique. Aucune sanction n’est prévue, autre que la réprobation générale des cosignataires, mais, comme le note un journal de l’époque, « du moins [’engagement moral contracté est-il un sérieux obstacle à toute infraction ». Déposé à Washington, sous la garde du gouvernement des Etats-Unis, où il demeurera ouvert dans l’attente des adhésions ultérieures, le « pacte Briand-Kellogg », comme on ne tardera pas à l’appeler, sera bientôt ratifié par 63 nations, dont I’Allemagne, I’Empire britannique, le Japon, la Pologne, I’Italie et la Tchécoslovaquie. II vaudra à ses deux promoteurs, le Français et l’Américain, le prix Nobel de la Paix.


1944: Du débarquement à la libération de Paris

Minutieusement préparée depuis des mois et précédée d’une formidable préparation  aérienne, l’opération Overlord peut être considérée comme réussie au soir du jour J: à l’est de la zone de débarquement, les Anglais et les Canadiens ont établi une tête de pont sur les plages qui leur étaient assignées. A l’ouest, malgré les terribles pertes subies a Omaha Beach par les I° et 29° divisions d’infanterie, les hommes de la 1° armée américaine disposent de solides positions. A Utah Beach, la 4° division d’infanterie a pu débarquer sans grande difficulté, même si elle s’est, depuis, quelque peu embourbée dans les zones inondées de l’arrière-pays. Quant aux 82° et 101° Airborne, une certaine confusion a suivi leur largage de part et d’autre de Sainte-Mère-Eglise mais, paradoxalement, la dispersion des parachutistes U.S. a surpris l’ennemi, qui, du coup, ne sait pas où porter son effort.

Tandis que les Anglo-Canadiens du général Dempsey ne progressent que très lentement face aux unités de panzers rameutées par les Allemands, les Américains réussissent à atteindre leurs objectifs dans d’assez bonnes conditions au cours des semaines suivantes. La prise d’Isigny et de Carentan ouvre la route du Cotentin et, malgré les réactions de la l 7° division de panzers SS «Götz von Berlichingen» les boys vont parvenir, dès le 18 juin, sur la côte occidentale de la presqu’île. A la fin du mois, Cherbourg est tombé aux mains de la I° armée américaine.

Malheureusement, les installations portuaires ont été complètement sabotées par les Allemands avant leur reddition et, contrairement aux attentes des responsables de la logistique, elles ne peuvent pas prendre le relais des ports artificiels d’Arromanches et d’Omaha Beach , dont une violente tempête vient de révéler la fragilité. Grâce aux prouesses accomplies par les unités du génie U.S., elles seront remises en service dans des délais inespérés. Mais Cherbourg ne peut suffire à alimenter la formidable machine de guerre alliée, qui, deux mois après le Débarquement, comptera près de 2 millions d’hommes, 500.000 véhicules et 3 millions de tonnes de matériel. II est donc urgent de lancer une opération d’envergure en direction de la Bretagne et de s’assurer le contrôle d’une partie du littoral de la Manche et de l’Atlantique pour disposer d’une façade maritime suffisamment large. Plusieurs semaines durant, les Américains vont livrer une épuisante «bataille du bocage» sur un terrain qui favorise la défensive et qui ne leur permet pas de profiler à plein de leur écrasante supériorité matérielle. Fin juin, le total de leurs pertes se chiffre à 22.000 hommes. Le 18 juillet, quelques jours après la prise de Caen par les Anglais, Saint-Lô, dont les défenses se sont révélées beaucoup plus sérieuses qu’on ne l’avait escompté, tombe aux mains des Américains. Le général Bradley, commandant de la I° armée U.S., peut désormais espérer enfoncer le front ennemi vers le sud. Ce sera l’objectif de l’opération « Cobra, » déclenchée la semaine suivante.

Le général Patton, commandant de la III° armée américaine, Iance ses 4° et 6° divisions blindées vers Coutances, pris le 28, puis vers Granville, qui tombe le 30, et, enfin, vers Avranches, atteint le lendemain. Dans la foulée, les tanks américains s’emparent de Pontaubault et de son pont sur la Sélune, ouvrant ainsi aux forces alliées la route de la Bretagne et de la vallée de la Loire. Entraîné par l’allant de Patton, le 8° corps vient de réaliser la légendaire «percée d’Avranches», qui, rapidement exploitée, va donner un rythme nouveau à la bataille de Normandie. Les Américains prennent coup sur coup Rennes, Vannes et Saint-Malo.

La Bretagne est désormais libérée, même si Brest ne tombe que le 18 septembre et si les Allemands s’accrochent encore aux «poches de l’Atlantique», qu’ils défendront jusqu’au printemps de 1945. Plutôt que de soutenir des combats d’arrière-garde, les Alliés ont en effet préféré pousser leur avantage et lancer une offensive vers le nord-ouest qui libérera les ports de la Manche et du Pas-de-Calais et mènera, dès septembre, les Britanniques de Montgomery jusqu’aux portes d’Anvers.

Patton, pour sa part, va tenter d’encercler par le sud les forces allemandes de Normandie pour les enfermer dans la poche de Falaise. Elles ne seront pas complètement détruites, mais seront malgré tout contraintes de se replier. Au cours de cette action, la légendaire 2° D.B. française du général Leclerc, intégrée à la IIIe armée de Patton va prendre une part décisive à la libération d’Alençon. Patton lance sur Dreux, puis sur Mantes-la-Jolie sa 79° D.I., qui atteint la Seine le 19 août. Les Américains ont prévu de contourner Paris par le nord et par le sud sans y livrer bataille, mais l’insurrection qui s’y est déclenchée décide Eisenhower et Bradley à laisser Leclerc foncer sur Paris. Le 24 août, à 21 heures, toutes les cloches de la capitale sonnent à la volée pour célébrer l’arrivée du premier détachement de la 2° D.B. à l’Hôtel de Ville. Le 25, von Choltitz remet sa reddition, tandis que de Gaulle lance à une foule en délire son fameux : «Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France !»

Arrivé avec les premiers groupes de libérateurs, l’écrivain Ernest Hemingway, qui a longtemps vécu à Paris, est allé rendre visite à son vieil ami Pablo Picasso et lui a offert… une caisse de grenades !

Voir aussi :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Relations_entre_les_États-Unis_et_la_France